The Path

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The Path

ou quand le Petit Chaperon Rouge donne lieu à une expérience vidéoludique la plus dérangeante qui soit.

 

Nom : The Path
Développeur : Tale of Tales
Genre : Aventure/Exploration
Sortie : 18/03/2009
Support : PC/Mac
Multijoueur : Non
Jouabilité : Clavier/Souris/Manette
Prix : 9,99$ sur le site officiel / 7,90€ sur Steam

 

Il est difficile de parler de The Path, ou en tout cas d'en faire un test "classique". Pour faire simple, vous contrôlez tour à tour six petits chaperons rouges, âgées de 9 à 19 ans, chacune ayant sa personnalité propre. Par exemple : Robin, la benjamine, est l'incarnation de l'innocence même, alors que Ruby et son look gothique verseront plutôt dans la dépression ordinaire d'une adolescente qui se cherche.

L'objectif principal est de vous perdre dans cette immense forêt bordant le chemin par lequel vous êtes arrivés, et de trouver, pour chacune des filles, son propre loup.

A propos des développeurs

Ses développeurs, Auriea Harvey et Michaël Samyn, fondateurs du studio belge Tale of Tales, sont en quelque sorte des extra-terrestres, même au sein de l'univers des jeux indé. Comme ils le présentaient dans un manifeste en 2006 (le Realtime Art Manifesto), ils estiment que la 3D temps réel est un medium bien trop précieux pour n'être utilisé que dans des jeux vidéo, et que cette technologie devrait être utilisée pour devenir une forme artistique. Ils y expriment un véritable dégoût du système verrouillant à l'époque le divertissement vidéoludique, dégoût qui s'explique en partie par le rejet d'un de leurs projets, intitulé sobrement "8", en 2005. En effet, certains éditeurs, qui avaient jusque là financé le début du projet, semblent avoir été frileux quant à l'originalité du soft, et ont préféré arrêter la collaboration ici. Depuis lors, le projet "8" est suspendu, les finances n'étant pas suffisantes pour l'achever. Bien que durement marqué, le couple lance fin 2005 "The Endless Forest", un MMO étrange et onirique où vous dirigez un cerf à tête d'homme dans une forêt, où vous pourrez interagir avec les autres joueurs par le biais de brames ou autres mouvements.

En 2008 sort un autre jeu pour le moins original, puisque dans "The Graveyard" vous incarnez une grand-mère que vous ferez déambuler dans un cimetière pour s'asseoir sur un banc et écouter une chanson nostalgique. De l'aveu même des développeurs, il s'agit plus d'un tableau interacitf qu'un jeu.

Et c'est donc au début de l'année 2009 que sort ce qui reste encore aujourd'hui leur plus "gros" coup, à savoir The Path. Son financement s'est fait en partie par des fonds propres, et majoritairement via des fonds fournis par des associations de soutien culturel. Pour des raisons de coût de développement, Auriea et Michaël réutilisent les outils informatiques ayant déjà servis pour "8" et "The Endless Forest".

The Path et ses thématiques dérangeantes

L'écran d'accueil, faisant office de menu, vous invite à choisir l'une des six jeunes filles à votre disposition. On les voit tuant le temps dans un appartement en ville.

Laquelle de ces Chaperons allez-vous conduire à un destin funeste ?

Une fois votre choix fait, votre mère vous dépose en voiture près du chemin conduisant à la maison de votre mère-grand. Une phrase s'affiche alors sur votre écran, vous ordonnant telle une directive maternelle d'aller chez votre grand-mère et de ne surtout pas s'éloigner du chemin. Vous dirigez alors votre chaperon en vue à la 3ème personne avec aussi bien le clavier (touches z,q,s,d ou flèches directionnelles), la souris (clic gauche pour avancer et orientation de la souris pour choisir la direction) qu'à la manette.

Dilemne, si vous suivez la route, vous finirez par arriver sans encombre chez votre aïeule, mais serez confrontés à un écran vous indiquant que vous avez échoué dans votre mission.

Il ne vous reste plus qu'à faire ce qui vous taraude depuis le début : quitter le sentier tout tracé et vous perdre dans les bois.

Robin, la benjamine, en quête de son "loup" dans les bois

Le jeu n'étant pas linéaire, vous aurez tout le loisir pour explorer cette forêt, accompagnés par une magnifique musique onirique. Le personnage se mouvant assez lentement, vous pourrez le faire courir, mais ce faisant, la caméra prendra de la hauteur derrière votre personnage, le monde deviendra plus flou et vous ne verrez plus vraiment où vous allez, le tout accompagné par une musique progressivement inquiétante.

En chemin, vous croiserez différents objets abandonnés (un vieux fauteuil, une carcasse de voiture...) donnant lieu à de courtes phrases poétiques s'affichant à l'écran. Vous rencontrerez parfois une fillette fantômatique, toute vêtue de blanc, qui gambade ici et là entre les arbres. Vous tomberez également parfois sur des lieux (un camp de bûcheron, une aire de jeux à l'abandon, un vieux kiosque à musique...) et à chacun de ces lieux correspond une fillette.

Quand enfin vous arriverez avec la bonne fillette au bon endroit, une courte cut-scene se mettra en route, mettant le chaperon rouge en interaction avec son loup personnel. Par "loup", n'entendez pas forcément le quadrupède poilu et carnivore. Chacun de ces "loups" diffèrent d'une fille à l'autre. L'issue de cette rencontre est dramatique mais n'est que suggérée, laissant au joueur le loisir d'interpréter ce funeste dénouement (viol ? meurtre ?...).

Après un fondu au noir, vous vous réveillerez groggy devant la maison de votre grand-mère où vous connaîtrez alors un dénouement propre à chaque fillette. Vous serez alors renvoyés froidement à l'écran d'accueil où votre ancien protagoniste sera désormais absente. A vous de choisir une nouvelle fillette et de la conduire à sa funeste destinée.

Robin devant la maison de sa mère-grand, plus tout à fait la même après sa rencontre avec le "loup"

L'expérience de jeu est plutôt traumatisante et vous pourchassera plusieurs jours après la fin (somme toute rapide) du jeu. Emprunt de poésie et de métaphores habiles, c'est à vous de vous faire votre propre interprétation des événements du jeu. Transgression de l'interdit, passage de l'enfance au monde cruel des adultes, les réponses sont nombreuses et dépendent de chacun.

Il me faut bien entendu aborder le gameplay, et c'est là que le bât blesse. La maniabilité est plutôt rigide, et même si la lenteur naturelle des personnages semble désirée par les développeurs, elle pourra en excéder certains. Quelques bugs de collision sont également à noter. Mais ces menus défauts sont excusés par l'expérience dans laquelle vous entraîne ce soft. Et même s'ils datent de 2009, les graphismes sont encore magnifiques et servent à merveille la poésie de l'ensemble.

Conclusion

En résumé, The Path n'est pas à mettre entre toutes les mains, et même si de mon point de vue l'expérience devrait être partagée par le plus grand nombre, certains gamers n'en verront pas l'intérêt. Cette oeuvre dissimulée en jeu, si vous en acceptez les quelques défauts de jouabilité, vous transportera dans six contes métaphoriques et oniriques du petit chaperon rouge qui, une fois que vous serez arrivés au bout du chemin, ne vous laisseront pas indemnes.

 

Graphismes : Magnifiquement bien assortis à l'ambiance onirique du jeu. Vos pérégrinations dans les bois ont quelque chose de magique, qui vous laissent l'impression d'être plongée dans une forêt de conte de fée, à savoir sublime et dangereuse à la fois.

Ambiance sonore : La musique, oeuvre de Kris Force et Jarboe, est tout simplement magnifique et accompagnera avec grâce vos "promenades" dans les bois (pendant que le loup y est). Les effets vocaux de Jarboe rendent le tout beau et inquiétant. Vous pouvez d'ailleurs acheter la bande originale sur le site de Tale of Tales.

Durée de vie : Toute relative. Bien entendu, si vous rushez, il vous faudra moins d'une heure pour en venir à bout, mais vous passerez alors à côté de l'intérêt du jeu. En prenant le temps d'explorer les bois, d'y trouver les divers objets à débloquer, comptez entre 4 et 6 heures (mais il vous hantera bien plus longtemps encore).

Originalité : Enorme. Entre son propos mature, son objectif peu louable et sa non-linéarité, The Path est une expérience unique en son genre.

 

Anecdote : C'est la première fois qu'un jeu me met mal à l'aise à ce point, et me poursuit aussi longtemps, même une fois la souris reposée.

 

Liens :

Site Officiel du jeu : http://thepath-game.com/

L'historique de the Path par ses créateurs : The Path Post-Mortem